Les chroniques économiques de Bernard Girard

29.10.13

Les capitalistes sont aussi des passagers clandestins



Il y aura bientôt cinquante ans, en 1966, un sociologue et économiste américain, Mancur Olson a écrit un livre, La logique de l’action collective,  qui s’est rapidement imposé comme l’une des sources majeures de la réflexion économique contemporaine. Dans ce livre, son auteur qui a toute sa vie enseigné l’économie mais dont l’œuvre a rapidement franchi les frontières de sa discipline, s’interroge sur la capacité d’individus qui ont des intérêts communs à s’unir pour mieux les défendre. Il se demande, au fond, s’il est vrai que des gens qui ont des intérêts communs ont bien intérêt à s’associer pour les défendre. Cela paraît, à première vue évident : pourquoi y aurait-il des syndicats, des lobbies, des associations de toutes sortes si ces institutions ne servaient justement à mobiliser des acteurs sociaux ayant les mêmes intérêts pour les défendre ? Mais ce qui paraît évident à première vue ne l’est pas forcément lorsque l’on regarde plus dans le détail : « Il n’est pas vrai, explique Mancur Olson, que l’idée que les groupes agissent dans leur intérêt découle logiquement des prémisses d’un comportement rationnel et intéressé. Que les membres d’un groupe aient avantage à atteindre leur objectif commun ne veut pas dire qu’il agiront de manière à y parvenir (…) En réalité, ajoute-t-il, des individus raisonnables et intéressés ne s’emploieront pas volontairement à défendre les intérêts du groupe. » Au cœur de cette thèse, il y a l’image du passager clandestin ou du cavalier solitaire, de celui qui, alors même qu’il bénéficie de l’action collective, n’y participe pas : à quoi bon puisque de toutes manières les autres vont se battre pour lui.

Ce livre a surtout servi dans les années 70 à attaquer les fondements du marxisme, de sa théorie des classes et du syndicalisme. Il a permis de comprendre les dérives bureaucratiques de toutes les organisations collectives qui avaient pour ambition de  défendre les intérêts du plus grand nombre. Dès lors que chacun se comporte en passager clandestin, ceux qui investissent dans ces organisations collectives, qui leur consacrent leur vie le font moins pour améliorer le sort du plus grand nombre que pour satisfaire des ambitions personnelles.

Quand on le relit aujourd’hui, on y trouve des éléments qui permettent de mieux comprendre le comportement et les évolutions du capitalisme contemporain.

Les capitalistes en passagers clandestins
Que sont aujourd’hui, en effet, les capitalistes sinon des passagers clandestins, des agents économiques qui profitent des investissements collectifs, qu’il s’agisse de ceux de la collectivité dans les infrastructures, les routes, les ponts, les réseaux de transport, d’énergie, que de ceux dans l’éducation, la sécurité, tout en faisant tout pour échapper à leur financement ?

On l’a compris, je fais allusion à ce qu’il est convenu d’appeler depuis quelques mois en France le ras-le-bol fiscal, ras-le-bol que les entreprises et leurs représentants sont les premiers à dénoncer. Je pense à Pierre Gattaz, le Président du MEDEF disant il y a quelques jours : « Nous sommes dans une situation où il y a un ras-le-bol fiscal, il y a une souffrance énorme qui peut se transformer en exacerbation ou en colère des patrons », colère qu’il attisait lui-même en déclarant quelques instants plus tôt : « Nous avons une pression fiscale qui dure depuis des années et qui n'a pas arrêté de s'aggraver depuis 30 ans », faisant ainsi fi des efforts réalisés depuis des décennies par tous les gouvernements un peu partout dans le monde industrialisé pour réduire les impôts des entreprises. Le taux d’imposition des sociétés en France, a la réputation d’être particulièrement élevé, d’être l’un des plus élevés en Europe, il est de 33, 3% des bénéfices réalisés depuis 1993. Il était de 50% au début des années 80. Il a donc diminué de manière significative depuis et a continué de le faire avec, notamment, le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi, le CICE, qu’a mis en place le gouvernement Ayrault. Cela peut, malgré cette baisse, paraître beaucoup, mais son importance doit être relativisée :

-       L’impôt sur les entreprises ne concerne qu’une entreprise sur trois : Le tiers seulement des entreprises françaises soit approximativement 1,4 million d'entreprises en relève, les autres relèvent d’autres régimes ;
-       ce taux de 33% ne concerne qu’une toute petite minorité d’entreprises : celles qui réinvestissent leurs bénéfices, celles qui font un chiffre d’affaires inférieur à 7 millions d’€ y échapper puisqu’elles n’ont à payer que 15% de leurs bénéfices sous forme d’impôts. Pour peu qu’elles fassent des bénéfices, naturellement…
-       les entreprises ne paient d’impôts que sur les bénéfices réalisés en France, ce qui permet à toutes celles qui travaillent à l’étranger d’y échapper voire même si elles ont des établissements à l’étranger de mettre en place des procédures pour réduire leur imposition.
De fait, les entreprises et, d’abord, les plus importantes, n’ont de cesse de tout faire pour échapper à cet impôt. Ce qu’elles réussissent très bien comme on peut en juger en regardant la part de cet impôt sur les sociétés dans le PIB de la nation : moins de 3% en France.

Quand les entreprises font tout pour échapper à l’impôt…
Cette volonté d’échapper à l’impôt n’est pas propre aux entreprises françaises. On la retrouve identique dans les entreprises installées dans des pays qui pratiquent des taux d’imposition sur les sociétés plus faibles. Elle prend les formes les plus variées.

On sait comment les entreprises internet, les Facebook, Google, les entreprises informatiques, Apple et bien d’autres, profitent des différents taux d’imposition pour échapper à l’impôt sur les sociétés. Facturer ses prestations en Irlande permet à Google d’échapper aux impôts ailleurs en Europe, mais il y a bien d’autres méthodes. L’une des plus classiques consiste à jouer sur ce qu’on appelle les prix de transfert. Le procédé intéresse les entreprises qui ont des établissements à l’étranger, ce qui leur permet de choisir les pays dans lesquels verser des impôts. Si une entreprise a, par exemple, des activités dans un pays à taux d’imposition élevé et d’autres dans un pays à taux d’imposition faible, il lui suffit d’ajuster ses prix de transfert interner, les prix auxquels ses filiales des pays à impôts élevés vont racheter les produits fabriqués dans les pays à taux faible pour ne faire de bénéfices que là où les impôts sont le plus faibles.

Mais il n’y a pas que ces techniques comptables qui ont fait leurs preuves et que l’on connaît bien. Il y a aussi le choix de structures juridiques adaptées qui ont ces quinze ou vingt dernières années profondément transformé le capitalisme international, notamment le capitalisme américain, et contribué à enrichir un peu plus encore les plus riches.

Quand les actionnaires veulent échapper à la double taxation…
A la fin des années vingt, les théoriciens de l’entreprise ont mis en évidence les transformations que vivaient les sociétés cotées en bourse. La multiplication des grandes entreprises, la dispersion, la dilution de leur capital avait eu pour effet de réduire le contrôle des actionnaires sur l’entreprise. Deux économistes, Berle et Means, sont restés célèbres pour avoir dénoncé ces dérives. Ils les ont si bien dénoncées que dans les années qui ont suivi la publication de leur livre, les autorités boursières ont mis en place, aux Etats-Unis, toute une série de mesures pour protéger les actionnaires des pratiques du management. Ces mesures n’ont pas empêché celui-ci de continuer de profiter de sa position centrale : fort de ses compétences et de sa connaissance de l’activité de l’entreprise, celui-ci peut détourner une partie des richesses que produit l’entreprise à son bénéfice. C’est ce qui a notamment donné lieu dans les années soixante au développement de ces conglomérats et de cette technostructure qu’a décrite John Kenneth Galbraith dans plusieurs ouvrages devenus célèbres, notamment dans Le Nouvel Etat Industriel, livre publié en 1967, soit tout juste un an après la Logique de l’action collective de Mancur Olson dont je parlais un peu plus haut.

La distribution de dividendes est l’un des instruments que le management a utilisés pour détourner à son profit les richesses produites par les entreprises. En toute bonne logique, une entreprise qui a de bons résultats devrait distribuer des dividendes importants à ses actionnaires. Or, on le sait, ce n’est en général pas le cas. Il est arrivé que les actionnaires protestent, mais ils sont en général le plus souvent silencieux. A cela plusieurs motifs :

-       ils ne maîtrisent pas les comptes de l’entreprise et il leur est très difficile de contester les décisions comptables de l’entreprise,
-       ils disposent en général de trop peu d’actions de l’entreprise pour que les dividendes soient une source de revenus importante,
-       ils choisissent, s’ils sont très actifs, des stratégies qui leur permettent d’acheter à bas prix des actions pour les revendre quand le cours a monté ; s’ils sont passifs, ils espèrent une croissance régulière de leur capital. Dans un cas comme dans l’autre, ils se moquent un peu des dividendes.
Cette indifférence de l’actionnaire s’est longtemps nourrie de ce que ses critiques appellent la double taxation des revenus de l’entreprise : impôt que les sociétés doivent payer sur leurs bénéfices auquel s’ajoute l’impôt sur le revenu que doivent payer les actionnaires lorsqu’ils reçoivent des dividendes.
Cette double taxation a des justifications. La principale étant que l’entreprise et ses actionnaires sont des personnes différentes. Pour les petits actionnaires qui ne peuvent au mieux espérer que de faibles dividendes, elle n’est en réalité pas très gênante mais pour les gros actionnaires il en va tout autrement. Lorsque les sommes deviennent importantes, il paraît tout à la fois habile et avantageux :  
-       d’insister pour recevoir de gros dividendes, d’inciter le management à verser aux actionnaires l’essentiel des bénéfices réalisés par l’entreprise,
-       et de tout faire pour échapper à cette double taxation.
Habile et avantageux pour ceux qui en bénéficient pour les actionnaires les plus riches parce que pour le reste de la collectivité, il peut en aller autrement : la distribution de dividendes importants a de bonnes chances de se faire au dépens des investissements nécessaires pour la croissance de l’entreprise et la création d’emplois. D’où la préférence marquée de ces entreprises pour le financement par la dette que l’on cherche à rembourser par des gains de productivité, gains qui se font au dépens des salarié et des sous-traitants.

Encore faut-il échapper à la double taxation. C’est possible avec des structures juridiques adaptées, avec notamment ce que l’on appelle en France les sociétés par commandite et, aux Etats-Unis, les Master Limited Partnership, ce que les spécialistes appellent outre-Atlantique des MLP . Pour des motifs liés aux réglementations fiscales et qu’il serait trop long et trop technique de développer, ces  MLP se sont multipliés ces dernières années. Ils représentent aujourd’hui 9% des entreprises cotées, ils ont représente 10% des dividendes distribués par ces entreprises en bourse et, surtout, ce qui montre l’intérêt des capitalistes, ils ont recueilli 28% des capitaux investis en bourse. Plus des 2/3 des nouvelles entreprises cotées sont construites sur ce modèle. Il s’agit évidemment pour les plus riches tout à la fois d’augmenter leurs revenus et de réduire un taux d’imposition qui a déjà beaucoup diminué ces dernières années.

Cette évolution du capitalisme américain est peu connue, elle a été relativement peu documentée, mais elle explique la montée des inégalités que l’on observe outre-Atlantique depuis une vingtaine d’années. Ces mécanismes renforcent le pouvoir des actionnaires sur le management, incite celui-ci à générer le maximum de bénéfices, à se préoccuper du court terme plutôt que du moyen ou du long terme. Ils contribuent également à réduire, je l’ai déjà dit, les revenus de l’Etat.

L’entreprise en passager clandestin et la théorie de Kapp
Ces analyses invitent à revisiter la vulgate contemporaine qui fait des entreprises les institutions créatrices de richesses, les seules, entend-on souvent dire. Revisiter et réviser. Que les entreprises créent des richesses, cela va de soi. Mais elles ne font pas que cela. Elles font aussi tout pour échapper à l’impôt, pour échapper au financement des services, des infrastructures qu’elles utilisent et sans lesquelles elles ne sauraient se développer. Elles font cela au bénéfice des plus gros de leurs actionnaires, de ceux qui les contrôlent forçant ainsi les gouvernements à s’endetter et à augmenter la pression fiscale sur les salariés et les ménages. Dettes et pressions fiscales augmentent d’autant plus qu’il revient à la collectivité de corriger les nuisances que ces mêmes entreprises produisent massivement.

J’ai cité tout au long de cette chronique quelques textes anciens mais célèbres chez les économistes : le livre de Berle et Means, publié en 1932, les livres de Mancur Olson et Galbraith publiés respectivement en 1966 et 1967, je voudrais conclure en rappelant la thèse méconnue d’un économiste hétérodoxe, un des pères de l’écologie économique : Karl-William Kapp. Pour cet économiste, les bénéfices des entreprises sont pour une part le fruit des coûts qu’elles réussissent à faire financer par la collectivité : la lutte contre la pollution industrielle est l’exemple qu’il développe.

Passagers clandestins occupés à échapper à l’impôt, d’un coté, habile à transférer à la collectivité une partie de leurs coûts, de l’autre, les entreprises ne sont pas seulement ces créateurs de richesses que l’on nous présente habituellement. Ce qui devrait inciter à prendre avec une pointe d’ironie les plaintes de ses représentants.



23.7.13

La reprise de François Hollande


Pour écouter cette chronique

François Hollande a donc annoncé, lors de son allocution du 14 juillet, que la reprise était là. Ses propos ont surpris, on a parlé de méthode Coué, d’optimisme. Ils ont d’autant plus surpris que les prévisions de l’OCDE, du FMI, de la Commission Européenne et de la plupart des instituts de conjoncture ne disent rien de pareil.

Les prévisions des économistes étant ce qu’elles sont, souvent guère plus fiables que celles des météorologistes sur plusieurs jours, il n’est pas impossible que François Hollande ait raison contre tous. Disons qu’il a, au mieux, pris un risque sérieux.

Ce pourrait être le risque que prend celui qui se sent noyer et s’accroche à la moindre branche d’arbre pour se maintenir à flot mais au vu ce que l’on connaît de François Hollande, le sang-froid dont il fait preuve par ailleurs, cela paraît peu probable ; il s’agirait donc plutôt d’un risque calculé de la part d’un politique qui, faut-il le rappeler, ne nous a pas habitué à faire des promesses irréalisables.
Un risque qui rappelle celui qu’il a pris à propos du chômage lorsqu’il a, à plusieurs reprises, annoncé l’arrêt de sa progression avant la fin de l’année. Ce qui fait penser qu’il s’agit d’une stratégie mûrement réfléchie. Mais regardons, d’abord, ce qui l’autorise à cet optimisme.

Des indicateurs qui hésitent
François Hollande n’appuie évidemment pas ses prévisions optimistes sur du vent. Mais sur quelques indicateurs qui ont oscillé ces derniers mois dans la bonne direction. C’est notamment le cas de l’indice de la production industrielle qui a rebondi de 2,6% en avril, une bonne performance, meilleure que celle de nos voisins mais qu’il convient de mettre en perspective : il fait suite à de nombreux chiffres médiocres et n’a pas été confirmé en mai. François Hollande avait-il quand il a parlé des premiers retours de l’INSEE sur de bons chiffres en juin ? C’est possible. Reste que rien n’est moins sûr. On peut, comme le suggère François Hollande se trouver à un point de bascule, au moment où les indicateurs se retournent, on peut également avoir affaire à une variation mensuelle sans grande signification, liée à la reconstitution des stocks à laquelle doivent, même en période de récession, procéder les industriels.

Faut-il ajouter que serions nous, même dans l’hypothèse la plus favorable, celle d’un retournement rien ne dit que cette reprise serait annonciatrice d’une croissance vive. Nous pourrions très bien nous retrouver dans la situation des Japonais qui ont vécu pendant plusieurs années une sorte de croissance atone.

François Hollande ne s’appuie pas seulement sur cet indice de la production industrielle, il a aussi cité le chômage et la consommation. Il aurait pu aussi parler des exportations qui se sont redressées en avril avant de retomber en mai. Ce que l’on disait pour la production industrielle vaut pour ces autres indices. Il y a donc bien eu un frémissement, mais il est difficile de les interpréter.
Pourquoi donc François Hollande a-t-il pris le risque d’annoncer la reprise dans ces conditions ? car risque il y a et doublement si l’avenir ne confirme pas ses prévisions :
  •          risque de discréditer la parole présidentielle,
  •          risque de passer pour incompétent en matière économique alors qu’on le crédite d’être compétent et mieux informé de ces questions que ses prédécesseurs.


Un mot de son allocution du 14 juillet offre, je crois, une clef : confiance. Il a insisté sur son rôle dans la reprise tout comme il a dénoncé le pessimisme, ce pessimisme dont nous parlions la semaine dernière et qui interdit de se projeter dans l’avenir, d’investir et qui est donc un frein à la croissance.

Une prophétie auto-réalisatrice ?
C’est un thème qu’il avait d’ailleurs annoncé dans sa conférence de presse de mai dernier lorsqu’il avait dit : « sur le plan psychologique, il est très important que les Français se disent « ça peut repartir » ; car la confiance ramènera la consommation et l’investissement. » Et c’est à cela que doit servir cette déclaration sur la reprise : modifier la perception que les Français, salariés et chefs d’entreprise, producteurs et consommateurs, ont de la situation économique. Il s’agit, au fond, de mettre en place un mécanisme de prophétie auto-réalisatrice : je prévois que la situation va s’améliorer, je prends des mesures qui vont de fait contribuer à améliorer la situation : j’anticipe des investissements, je ne ralentis pas ma consommation… C’est un mécanisme bien connu dont on a analysé les effets dans de nombreux domaines, dans celui de l’inflation, notamment, mais aussi dans celui de pénuries de toutes sortes (on annonce une pénurie, pour s’en protéger, chacun fait des provisions contribuant ainsi à créer une pénurie qui n’aurait pas autrement eu lieu). Les pédagogues ont montré la puissance de ce qu’ils appellent l’effet pygmalion et qui n’est rien d’autre qu’une prophétie auto-réalisatrice, les géographes ont montré son rôle dans la construction des espaces économiques et dans l’évolution des quartiers. C’est donc un concept puissant. Reste à savoir s’il peut s’appliquer dans ce contexte et si la parole présidentielle est le mieux armée pour l’initier.

Il semble que les prophéties auto-réalisatrices aient joué un rôle dans le développement industriel rapide d’Israël. C’est en tout cas l’hypothèse de Dov Even, un économiste israélien qui explique le succès de ce pays sur le plan économique par la conviction de ses habitants qu’ils réussiraient cette industrialisation. Cette conviction les aurait incités à créer des entreprises, à investir dans l’industrie plutôt que dans d’autres activités. Il associe cela à ce qu’il appelle l’effet golem ou à l’effet messianique qui sont d’autres noms de la prophétie adaptés à la culture locale.

Ce qui a été vrai d’Israël devrait donc pouvoir l’être d’autres pays et notamment de la France. Reste à savoir s’il suffit de la parole présidentielle…

La parole présidentielle
Peut-on attendre l’émergence de cet effet de la parole présidentielle. François Hollande le pense manifestement. Et il fait preuve en cela d’une certaine originalité. La parole politique, et notamment la parole présidentielle, relève plutôt de ce que le philosophe britannique Austin appelait le discours performatif. Il entendait par là, ces phrases qui sont aussi action, qui du fait même qu’elles sont prononcées changent le monde. Le titre du livre dans lequel il présente cette thèse le dit clairement : « quand dire c’est faire » (en anglais : « How to do things with words »). Lorsque le maire dit à un couple : « je vous déclare unis par les liens du mariage », il change effectivement le statut des deux personnes en face de lui : ils étaient quelques instants plus tôt célibataires, les voilà, du fait même de cette déclaration mariés.

La parole présidentielle a cette force parce que prononcée par le Président auquel les institutions donnent justement ce pouvoir. Certains en ont d’ailleurs abusé, comme Nicolas Sarkozy qui a fini par confondre parler et agir. François Hollande s’expose à un autre risque. Pur que la reprise qu’ils annonce devienne réalité, il ne suffit pas qu’il le déclare, il faut encore que les agents économiques le croient, lui fassent confiance, pensent qu’il sait mieux qu’eux, qu’il est mieux informé… Or, ce n’est pas gagné.
Ce n’est pas impossible comme le montre son engagement sur le chômage. Les chiffres du retournement ne sont pas encore là, mais certains commencent à y croire, notamment du coté de l’opposition, suffisamment pour dénoncer emplois aidés et artifices. Critique qui fait sourire quand on sait que tous les gouvernements depuis trente ans ont utilisé ce type de mesure pour réduire le chômage et qui est un peu absurde : mieux vaut avoir un emploi, même aidé, que rien du tout. Ne serait-ce que pour trouver un emploi ultérieurement. De nombreuses études ont montré qu’il était d’autant plus difficile de se faire recruter que l’on était resté plus longtemps au chômage. Les jeunes gens qui occupent ces emplois d’avenir n’auront pas ce handicap lorsqu’ils en chercheront un dans le secteur privé. Ce n’est pas négligeable !

Ce qui devrait se produire avec le chômage peut-il se répéter avec la croissance ? Ce n’est pas certain. En affirmant haut et fort sa volonté de voir un retournement de la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année, François Hollande s’adressait autant aux responsables en charge dans les associations, dans les ministères, dans les collectivités locales qu’aux Français. Chaque fois qu’il insistait sur cet engagement il réaffirmait avec force à l’intention de tous ceux qui doivent faire vivre cette politique sa volonté de voir réussir les mesures prises par le gouvernement. Pas question de trainer des pieds, de lambiner, de ratiociner, de multiplier les obstacles de toutes sortes comme savent si souvent faire les administrations ! Cela lui était d’autant plus facile qu’il a sur eux tous une sorte d’autorité, directe, hiérarchique lorsqu’il s’agit de ministres et de fonctionnaires, morales lorsqu’il s’agit d’élus de collectivités territoriales.
Il en va malheureusement autrement avec la croissance. La parole présidentielle n’a, dans ce domaine, de poids que si elle relayée par d’autres paroles d’experts, d’économistes, d’entrepreneurs qui confirment son diagnostic. Il n’est pas nécessaire qu’ils soient une majorité. Il suffit qu’ils soient assez nombreux pour que s’installe une controverse, que ceux qui prennent des décisions économiques, industriels qui investissent, consommateurs qui dépensent… puissent hésiter, puissent, s’ils ont assez confiance dans leurs produits ou dans leur situation, prendre des risques.

Cette controverse s’installe lentement. L’opinion a pris conscience que certains indicateurs étaient positifs, ce qu’elle ignorait avant l’intervention de François Hollande. Les économistes commencent de dire que la France est sortie de la récession en juin. Il suffirait que dans les mois qui viennent d’autres indicateurs soient positifs pour que la perception de la situation change. On peut les attendre du coté du chômage, notamment du chômage des jeunes. Les mesures gouvernementales, emplois avenir et autres, devraient prendre leur plein effet à la rentrée, en septembre, quand le ministère de l’Education nationale recrutera dix mille jeunes, quand les villes qui ont, comme Paris, choisi de modifier les horaires scolaires dés cette rentrée recruteront des jeunes pour animer les activités.

D’autres signes sont prometteurs. L’opinion des industriels sur le climat des affaires s’améliore. Ces mêmes industriels pensent également que la compétitivité de l’industrie française commence à faire des progrès. Tout cela peut contribuer à détendre l’atmosphère et à rendre à la parole politique un peu de la force qu’elle a perdu ces dernières années et, notamment, ces derniers mois.

Est-ce que cela suffira à amorcer la reprise ? il faudrait pour cela que la situation économique internationale évolue, parce que pour l’heure la reprise est là aux Etats-Unis, mais ailleurs on en est loin. En Asie, les économies hier si dynamiques font du surplace, voient leur croissance ralentie. C’est le cas de la Chine et de l’Inde. Ce l’est également en Amérique latine du Brésil. Quant à l’Europe, bien malin qui peut dire quand elle redémarrera. Lorsque l’on parle de la situation économique de l’Europe, on pense d’abord à l’Allemagne qui risque de souffrir du ralentissement dans les pays émergents. D’autres pays pourraient surprendre, notamment ceux d’Europe du Sud qui ont traversé, qui traversent une crise très grave mais dont l’industrie commence à relever la tête. Je pense notamment à l’Espagne dont les industriels se trouvent aujourd’hui dans une situation très originale : une main d’œuvre bon marché du fait de la crise, un marché intérieur dévasté du fait de la même crise qui  les force à se tourner vers l’exportation et, d’abord, en Europe. Ces pays pourraient très bien sortir de la crise renforcés et devenir des concurrents redoutables pour nos industries. Surtout si celles-ci n’investissent pas pour construire l’avenir. Mais, pour l’instant, on ne peut attendre d’eux qu’ils tirent la croissance.

Un pari à double détente
En annonçant la reprise alors que nul n’en voit encore vraiment les signes, François Hollande a pris un vrai risque. S’il l’a fait alors qu’on le dit plutôt prudent, c’est qu’il a besoin d’aborder la rentrée et 2014 avec quelques succès dans sa gibecière. La réforme des retraites à la rentrée risque de susciter manifestations, protestations et de mettre beaucoup de monde dans la rue, et ceci à quelques mois d’échéances électorales qui s’annoncent particulièrement difficiles pour les partis de gouvernement et, notamment, pour le PS. S’il veut passer ces épreuves sans trop de dégâts, s’il veut rebondir après, il faut qu’il puisse mettre à son crédit des réussites sur le plan économique, sur le chômage, la croissance, la productivité. Que ses électeurs puissent se dire :sa politique est rude, mais du moins porte-t-elle ses fruits. Sinon, il ne lui restera pour sauver les meubles que l’impuissance de l’UMP enferrée dans ses conflits de chefs et l’inquiétude que suscite toujours, mais chaque jour un peu moins, le Front National. C’est peu…




2.7.13

Le libre échange : une histoire de containers?



Le libre-échange quitte rarement les unes de la presse. Soit qu’on le voue aux gémonies comme font tous les partisans plus ou moins honteux du protectionnisme, soit qu’on souhaite l’étendre un peu plus encore, comme font les libéraux et comme promettaient de le faire il y  quelques jours encore Américains et Européens dans le cadre des négociations sur ce nouveau Traité dont on a beaucoup parlé puisqu’il a amené la France à s’opposer à ce que l’on touche à l’exception culturelle.

Si partisans et adversaires du libre-échange s’opposent sur bien des points, ils ont un point d’accord : le libre-échange est affaire de traités, de négociations commerciales, c’est, en un mot, l’affaire des diplomates. Or, un papier récent, il a été publié en février dernier, invite à en douter : Estimating the Effects of the Container Revolution on World Trade. Ses auteurs, deux économistes de l’université de Nottingham et un de leurs collègues suédois de l’Université de Lund, suggèrent que l’explosion du commerce international de ces trente dernières années est moins liée à ces accords et traités qu’à une innovation technique : l’invention du container. C’est cette invention que je voudrais vous raconter ce matin et l’impact que leur thèse, si elle est vérifiée, pourrait avoir sur notre perception du libre échange.



Une belle histoire : l’invention du container
On prête en général à un transporteur américain, un certain Malcom McLean, l’invention du container et on la date de 1956. En fait, son invention est plus ancienne, elle date des années trente lorsque les compagnies de chemin de fer britanniques et françaises ont commencé à transporter des marchandises dans de grandes boites métalliques, une technique que les Américains ont reprise lors du débarquement. Mais c’est en 1956 que le container moderne prend véritablement naissance. Cette année là, un transporteur routier qui avait commencé sa carrière avec un camion d’occasion et était devenu n°2 dans son métier, un certain Malcom McLean, décide d’acheter un navire pour transporter ses camions du nord au sud des Etats-Unis par la mer. Son idée initiale est d’échapper aux encombrements routiers de plus en plus fréquents et d’économiser du carburant et du temps de chauffeur. Très vite, il découvre qu’il est un peu stupide de transporter tout le camion, chargement et tracteur, qu’il suffit de déposer sur le navire le chargement dans de grandes boites, les containers, que des tracteurs vont, une fois arrivés au port, transporter jusqu’à leur destination finale.

Ainsi racontée l’histoire est jolie, mais elle n’est pas complète. Pour que ces containers puissent effectivement révolutionner le transport, il fallait encore qu’ils soient normalisés, qu’ils soient tous à la même taille pour que partout dans le monde, installations portuaires, transporteurs routiers et ferroviaires puissent les manipuler sans souci. Cette normalisation s’est mise en place au tout début des années soixante. Il fallait également que les installations portuaires, les matériels de manutention, de stockage, les grues, les entrepôts, les navires s’adaptent, ce qui a pris quelques années.

C’est en 1966 que les premiers transports en containers ont traversé l’Atlantique. Depuis, cette technique qui peut paraître basique, a complètement bouleversé le commerce international. La containerisation a conduit à la concentration du fret sur quelques grands ports, favorisé le développement de navires de plus en plus imposants et réduit massivement les temps de chargement et de déchargement : on a calculé qu’elle a supprimé une douzaine d’opérations qui prenaient beaucoup de temps et faisaient que les deux-tiers du temps productif d’un navire était consacré aux opérations portuaires. Résultat : les navires restent moins longtemps au port, ils naviguent plus, font plus de rotations, d’où une diminution massive des coûts et une croissance très rapide des volumes transportés. 

Je ne voudrais pas donner trop de chiffres, mais en voici deux qui illustrent la véritable révolution que cette innovation somme toute banale introduisit :
  •         le temps de transport entre l’Europe et l’Australie est passé de 70 à 34 jours,
  •         il y avait en 2003 11 millions de containers, il y en avait six ans plus tard, 19 millions.


A tout cela il convient d’ajouter des avantages annexes, comme la diminution des dégradations en cours de transport et des vols, très fréquents autrefois, qui a entraîné une baisse importante des polices d’assurances. Tout cela a joué un peu partout dans le monde mais surtout dans les pays du Nord qui avaient des infrastructures, routes, ports, voies ferrées capables de l’exploiter pleinement.

On remarquera, incidemment, deux effets inattendus de cette révolution technique :
  •          On aurait pu s’attendre à ce que l’explosion du commerce international entraîne une croissance rapide des effectifs de dockers. Or, on le sait, c’est tout le contraire qui s’est produit grâce, justement, à ces économies d’échelle et à de  formidables gains de productivité : en une heure de travail, on transborde quarante fois plus de fret avec des containers qu’avec les systèmes classiques. Ce qui invite à prendre avec prudence toutes les projections de créations d’emplois basées sur une extrapolation des prévision de croissance d’une activité.
  •          Bien loin de tuer les formes traditionnelles de transport, il semble que le développement de la containerisation ait favorisé le développement du transport de produits que l’on ne peut pas ranger dans ces grandes boites. C’est le cas de l’automobile. Le transport en containers des pièces détachées a, semble-t-il, favorisé celui des automobiles elles-mêmes. C’est, en tout cas, une des conclusions de l’étude des trois économistes que je citais au début de cette chronique.

Un nouveau regard sur le commerce mondial
L’idée que la technologie a joué un rôle déterminant dans le développement du commerce n’est pas nouvelle. Dans les années soixante, Robert Fogel, un spécialiste de l’histoire économique récemment décédé, a montré le rôle du chemin de fer dans le développement des échanges en Amérique du Nord et, depuis, plusieurs auteurs ont mis en évidence celui du chemin de fer et des bateaux à vapeur dans ce que l’on a appelé la première mondialisation, celle qui a vu exploser le commerce mondial à la fin du 19ème siècle à 1914. De la même manière Paul Krugman avait souligné le rôle des containers dans la globalisation de ces dernières années. L’originalité de Daniel M. Bernhofen et des deux autres auteurs de l’article que je citais en début de chronique est d’avoir entrepris de mesurer, quantifier cet impact. Ce qui leur permet de montrer que cette révolution technique a plus compté dans le développement du commerce international que l’action de l’OMC et que les accords du GATT. La meilleure preuve en est sans doute que le commerce international a progressé bien plus que ne le laissaient supposer les baisses des taxes douanières qui sont, comme toute, restées modérées : elles n’ont diminué depuis les années soixante que d’à peu près 11% et ces diminutions ont surtout eu lieu avant les années 80 alors que la globalisation s’est accélérée dans les décennies qui ont suivi.

Ces résultats sont doublement intéressants. Ils permettent, d’abord, de mieux comprendre la globalisation qui ne se limite pas à la baisse des taxes douanières mais qui est allée avec une profonde réorganisation de l’industrie autour de ce que les managers appellent la chaine globale de valeur. Sans entrer dans des détails qui seraient un peu fastidieux, disons tout simplement que l’on a assisté, grâce notamment à ces progrès dans l’industrie logistique, à une réorganisation de l’industrie autour d’un modèle basé sur une segmentation très fine des processus de production qu’illustrent bien les industries de l’informatique mais aussi du textile ou du jouet.

Quiconque a regardé l’intérieur de son ordinateur sait que c’est l’assemblage de pièces qui viennent d’un peu partout dans le monde. Mais l’exemple le plus insolite est sans doute la poupée barbie, cette poupée que l’on offre aux enfants pour leur anniversaire. Elle est fabriquée dans sept pays différents : le design et le moule sont américains, la résine japonaise, les vêtements sont cousus en Malaisie, les cheveux viennent de Chine et des Philippines et l’ensemble est assemblé en Indonésie avant d’être expédié aux quatre coins du monde. Ce modèle n’est envisageable que parce que des coûts de transport très faibles permettent cette organisation complexe mais terriblement efficace puisqu’elle offre à Mattel, son fabricant, une parfaite flexibilité : il peut à tout moment changer d’usine, aller là où il trouvera les meilleures conditions, les meilleures technologies…

Ces résultats suggèrent également, et c’est leur principal intérêt sur un plan politique, que la globalisation sera difficilement réversible. Un pays peut tenter, pour se protéger, de mettre des barrières à ses frontières, il peut augmenter ses taxes douanières, il y a peu de chance que ce soit efficace, que cela affecte profondément une globalisation qui a restructuré la géographie économique, celle des ports et des infrastructures mais aussi celle des entreprises avec cette segmentation de la production dont je parlais à l’instant. On peut revenir sur des accords et des traités, il est beaucoup plus difficile de revenir sur une innovation technique.

Remettre l’idéologie à sa place
Les partisans d’un protectionnisme plus ou moins mesuré associent en général la montée du libre-échange à l’action des partisans du libéralisme qui auraient imposé leurs vues et fait de l’OMC, l’organisation mondiale du commerce, une arme pour atteindre leurs fins. Les analyses qui font la part belle au développement du transport par containers invitent à revoir cette thèse. Si l’idéologie a joué son rôle, il n’est pas celui qu’on lui prête d’ordinaire. Avec ou sans OMC, les choses se seraient faites.
Réévaluer le rôle de l’innovation dans la globalisation n’est pas sans avantage. Cela invite à s’interroger sur ce qu’il faut faire face à la mondialisation s’il est vrai que les mesures protectionnistes promettent d’être de peu d’effet. Deux pistes s’imposent à l’esprit. La première est, tout simplement, d’être ricardien, je veux dire de s’appuyer sur les thèses de Ricardo, cet économiste britannique du 19ème siècle qui fit la théorie de l’avantage comparatif des nations. En clair, cela veut dire investir, développer les activités dans lesquelles on bénéficie d’un avantage comparatif, dans lequel on est pour des motifs géographiques, historiques, de hasard éventuellement, bien placés dans la compétition internationale.
Tout cela peut paraître très abstrait, mais c’est en fait très concret. Je voyais ce week-end un joli reportage sur la cinq, je crois, sur la pâtisserie d’où il ressortait que nos pâtissiers étaient les meilleurs au monde et que leur talent était reconnu partout, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, au Japon. Et l’on apprenait au détour de ce documentaire que les trois ingrédients du succès étaient : des produits de grande qualité que l’on ne trouve pas facilement ailleurs, un goût de la perfection assez japonais et un plaisir de l’innovation, ce qui faisait la différence avec, justement, les Japonais qui ont tendance, expliquait le commentaire, à répéter une recette lorsqu’ils l’ont mise au point.

On pourrait y ajouter un autre facteur : la compétition, la concurrence. Il y a en France beaucoup de pâtissiers de talent qui se font émulation. Et puisque je parlais du Japon, cette concurrence interne fut l’un des moteurs de son succès. Souvenons-nous, il n’y avait pas un mais quatre ou cinq fabricants de photocopieurs qui se battaient sur marché japonais avant d’aller conquérir les marchés mondiaux. On retrouve la même chose dans les pays émergents, en Thaïlande, par exemple, pays qui a trusté la fabrication des disques durs informatiques, et ceci dans une grande entreprise mais dans une myriade d’entreprises installées à proximité les unes des autres dans ce qu’on appelle un cluster, qui parce qu’elles se font concurrence sont toujours à l’avant-garde de l’innovation.

Cette stratégie industrielle est exactement l’inverse de celle des champions nationaux que nous avons si longtemps poursuivie, qui nous a permis de construire quelques très belles entreprises qui se portent très bien mais dont les espaces de croissance sont hors de France, en Chine, au Brésil, en Inde, ce qui ne nous aide pas à lutter contre le chômage.

Si j’ai choisi pour exemple la pâtisserie, c’est pour montrer qu’à l’inverse de ce que nous disent trop souvent politiques et journalistes, l’innovation n’est pas réservée aux technologies nouvelles. Les containers qui nous ont accompagné tout au long de cette chronique en sont un bel exemple : quoi de plus simple, de plus évident qu’une boite métallique, une grosse malle en somme que l’on conçoit de manière à pouvoir la transporter sur un navire, un camion ou un train ?

Les innovations les plus importantes, celles qui transforment le plus notre monde ne sont pas forcément les plus sophistiquées, les plus brillantes, celles qui demandent le plus d’intelligence et de calcul. Ce sont celles qui, tel le container, assurent des gains de productivité massifs, suscitent des myriades d’autres innovations, que l’on pense à tout ce qu’il a fallu dépenser d’énergie pour faire évoluer les navires, les grues, les systèmes de manutention…

Nous sommes partis d’un objet insignifiant, un container, pour arriver à des considérations sur le libre-échange, l’innovation, la politique industrielle. Ainsi va l’économie…