Le défi majeur : l'emploi des jeunes
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au défi majeur : l’emploi
François
Hollande a donc été élu. Comme il l’a dit et répété, son élection a lancé un
signal à l’Europe. L’austérité ne suffit pas, il faudra l’accompagner de
croissance. Et l’on peut penser que le message a été entendu. Depuis quelques
jours le mots « croissance » a fait sa réapparition dans le
vocabulaire des dirigeants européens. Et comme le reste du monde, Américains en
tête, n’attend que cela, on peut parier qu’il obtiendra assez facilement
l’introduction d’un complément sur la croissance au pacte européen.
Obtiendra-t-il autant qu’il devrait ? cela dépendra de sa capacité à
réunir autour de lui les dirigeants européens qui souhaitent aller dans ce
sens. La présence du premier ministre belge aux cotés de Martine Aubry à Lille
est, de ce point de vue, de bon augure même s’il aura fort à faire avec le
nouveau tandem germano-italien qui s’est dessiné ces dernières semaines
lorsqu’il est apparu que Nicolas Sarkozy était menacé.
Mais
tout cela est l’actualité immédiate. François Hollande ne réussira son
quinquennat que s’il répond aux multiples défis économiques de la société française
: la dette, la dégradation des services publics et, bien sûr, le chômage
et, d’abord, celui des jeunes que François Hollande a mis, à juste titre, en
tête de ses préoccupations.
Il a certainement fait un bon diagnostic : l’emploi des
jeunes est l’une des questions centrales de nos sociétés. Et pas seulement en
France, on retrouve le même phénomène un peu partout dans le monde développé et
pour, semble-t-il, les mêmes raisons. Il a demandé à être jugé sur ses
résultats dans ce domaine et il a bien fait. Mais s’est-il donné les moyens de
le traiter ? Les solutions qu’il propose, ces contrats de génération,
s’ils peuvent aider, ne sont certainement pas à la hauteur du problème, comme
l’avait signalé, lors des primaires, Martine Aubry. Ils permettront sans doute
à quelques dizaines de milliers de jeunes de trouver un emploi, mais il n’en
créera pas vraiment d’emplois puisqu’il s’agit, in fine, de remplacer des
seniors par de plus jeunes.
La croissance par les réformes structurelles
Si les jeunes n’ont pas d’emploi c’est parce que la croissance n’est pas au rendez-vous mais aussi parce
que le monde du travail ne fait plus aujourd’hui de place aux jeunes sans
diplômes ni qualifications.
Commençons par la croissance. Si l’idée qu’il nous faut plus
de croissance est acceptée d’à peu près tout le monde, on est loin de
l’unanimité sur les solutions. Je dirais, pour simplifier, que deux thèses sont
en présence.
La première, soutenue par l’Allemagne, la BCE et, de manière
plus générale, les conservateurs, insiste sur la nécessité des réformes
structurelles, la seconde, portée par la gauche mais aussi par de nombreux
économistes dans les pays en difficulté et en dehors de la zone euro parie sur
le retour d’un peu d’inflation en Allemagne.
L’argument des partisans des réformes structurelles est très
simple : si l’on veut que les entreprises restent compétitives sur les
marchés internationaux, il faut que le coût du travail diminue et qu’elles
soient plus flexibles. On ne sortira de la crise, disent en substance ses
avocats, qu’en cassant les rigidités de notre système, rigidités confondues
avec, d’une part, la protection sociale et les cotisations sociales qu’on
appelle charges sociales pour les dévaloriser et mieux souligner combien elles
coûtent cher, et, d’autre part, le contrat de travail à durée indéterminée, le CDI.
Pour réduire le coût du travail, deux hypothèses ont été
évoquées explicitement à droite pendant la campagne électorale : la TVA
sociale qui permettrait de transférer une partie des cotisations sociales vers
les consommateurs, et une plus grande autonomie du dialogue qui permettrait aux
entreprises de déroger, une fois obtenu l’accord des syndicats, au code du
travail.
On pourrait ajouter à cela un troisième dispositif déjà
enclenché : le transfert aux consommateurs d’une partie des dépenses
aujourd’hui prises en charge par la collectivité. C’est en cours dans le
domaine de la santé, avec toutes ces mesures qui consistent à demander aux
patients de contribuer au financement de ses soins. Ce l’est dans le domaine de
l’éducation avec l’explosion des droits d’inscription dans l’enseignement
supérieur. Et on peut imaginer que Nicolas Sarkozy élu, nous serions allé plus
loin dans cette direction.
Mais il n’y a pas que le coût du travail, il y aurait aussi
ses rigidités assimilées au CDI et aux règles qui imposent des contraintes aux
employeurs qui veulent licencier des salariés. Contrat et règles qu’il faudrait
donc supprimer, ce que la droite envisageait de faire avec ses accords compétitivité-emploi
qui auraient permis aux entreprises de déroger aux règles du code du travail et
de baisser les salaires.
La croissance par le retour de l’inflation en Allemagne
La seconde approche que défend l’économiste américain Paul
Krugman mais que l’on retrouve et retrouvera demain plus encore à gauche
revient à dire que l’on peut avoir plus de croissance en Europe si l’Allemagne
accepte plus d’inflation. Ce qui ne serait qu’un juste retour des choses. Si
l’Allemagne a si bien réussi, ce n’est pas seulement, explique
Paul Krugman, grâce à ses performances en matière d’exportation, comme on le
dit souvent, mais aussi grâce à une inflation un peu plus élevée chez ses
voisins européen.
Ce serait donc aujourd’hui à elle d’accepter un peu
d’inflation pour relancer l’activité de ses voisins. Cela peut passer par des
augmentations de salaires et l’on sait que les syndicats le réclament vivement,
mais aussi une politique monétaire moins restrictive qui abandonne son objectif
d’une inflation inférieure à 2%. Ce qui suppose une réorientation des missions
et des objectifs de la banque centrale et une évolution profonde de la
politique allemande.
Cette seconde thèse est, bien sûr, bien plus raisonnable et
satisfaisante, mais elle se heurte à l’opposition de l’Allemagne et de la Banque
centrale. Et le risque est que, sous couvert de compléter le traité les
Allemands et leurs alliés n’imposent à la France ces réformes structurelles dont
nous parlions à l’instant au motif qu’elles ont été réalisées en Allemagne,
engagées en Grèce, en Italie et en Espagne. C’est un scénario
qu’envisagent les marchés financiers comme en témoigne cette note de
l’économiste en chef d’un des principaux brokers européens : « Quel qu'il soit, le prochain président aura
donc à rationaliser les finances publiques et favoriser la croissance, grâce à
d'ambitieuses réformes de la fiscalité et du marché du travail. Dans la mesure
où la politique de croissance proposée par Hollande échouera à coup sûr, elle
est probablement conçue comme une astuce pour éluder la question du marché du
travail au cours de la campagne et servir d'édulcorant au-delà. »
Le pire n’est évidemment pas sûr. François Hollande peut
espérer le soutien, au moins implicite, des autres dirigeants européens et des
syndicats allemands et avec eux d’une partie de l’opinion allemande qui ne
portent pas le même regard que nous sur le miracle allemand. Car si miracle il
y a eu, il n’est certainement pas partagé par tous, comme le suggérait un long
et très détaillé article paru la semaine dernière dans le Spiegel, le grand
magazine allemand dont le titre est tout un programme : le
coût élevé du succès économique de l’Allemagne. Je n’en citerai que ce
passage explicite : « Une
minorité seulement profite du boom tandis que des salaires qui stagnent et la
précarité de l’emploi rendent difficile pour la majorité de joindre les deux
bouts. »
Une relance par l’inflation ne suffira pas
On ne sait si François Hollande réussira à convaincre les
Allemands et la BCE, mais le réussirait-il même que cela ne suffirait pas.
Encore faudrait-il que l’économie française profite de cette relance par
l’inflation. Ce n’est pas évident.
Les grands travaux auxquels il pense profiteront
certainement aux grandes entreprises, mais ce ne sont pas elles qui créent de
l’emploi. Si l’on veut que cette relance soit efficace, il faut que cette
relance profite aux PME, aux entreprises de taille intermédiaire qui produisent
en France et qui y créent des emplois. Or, cela suppose qu’elles aient les moyens
de cette croissance, qu’elles aient les financements pour accroitre leur
productivité et les compétences pour répondre à ces nouveaux marchés. En ce sens, la banque d’investissements que
propose Françis Hollande devrait être une bonne chose, surtout si elle est
décentralisée et proche des acteurs. Encore faudra-t-il qu’elle se mette en
route rapidement. Mais elle ne réglera pas l’autre grand problème de ces
entreprises : celui des compétences. La croissance d’une entreprise est aussi
affaire de compétences de son management. Une entreprise de 20 personnes et une
entreprise de 500 ne demandent pas les mêmes. Une des grandes forces de
l’industrie américaine est d’offrir aux entreprises moyennes la possibilité de
recruter des collaborateurs formés dans les grandes entreprises où ils ont
appris les techniques de management nécessaires qu’il s’agisse du marketing, de
la production, des ressources humaines ou du commerce international. Nous
n’avons pas cela en France.
Or, cette question des compétences n’est abordée par
personne. Peut-être parce que nos politiques ne connaissent que mal les
entreprises moyennes et ne rencontrent que les dirigeants des très grands
groupes qui n’ont pas ces soucis, mais le premier frein à la croissance des PME
est là : plus une entreprise grandit, plus elle a besoin de maîtriser des
savoir-faire dans les domaines les plus variés qui ne s’acquièrent, pour
l’essentiel, que sur le terrain, au contact des réalités, je veux dire des
régles, des procédures de toutes sortes qui encadrent le monde du travail.
Pour tous ces motifs, une relance par la croissance ne
suffira pas, ne permettra pas de résoudre le problème du chômage des jeunes.
Jeunes sans emploi : la faute à croissance et au manque de qualification
Si les jeunes n’ont pas d’emplois, c’est faute de croissance,
faute d’entreprises qui leur donnent du travail, mais ce n’est pas seulement
cela. C’est aussi que beaucoup, beaucoup trop n’ont pas de qualifications
suffisantes.
Je disais tout à l’heure que toutes les économies
industrielles étaient confrontées à ce problème. L’une de leurs difficultés
majeures vient de ce qu’elles ont du mal à créer des emplois pour les moins
qualifiés, pour ceux qui sortent du système scolaire sans diplômes. En France, ailleurs
aussi sans doute, ces jeunes sans qualifications se retrouvent, dés qu’ils
cherchent un emploi en concurrence avec ceux qui en ont un.
Pourquoi un employeur choisirait-il un candidat sans le
baccalauréat quand il peut, pour le même prix, en avoir un avec ce
diplôme ? On dira que le baccalauréat ne vaut pas grand chose, qu’il n’est
pas forcément utile pour tenir les postes les moins qualifiés. C’est oublier
que beaucoup de postes, notamment dans les services, demandent des compétences
acquises à l’école, maîtrise de la langue écrite et parlée, d’un peu d’anglais…
Bien rares sont aujourd’hui les métiers qui ne demandent aucune qualification.
C’est surtout oublier qu’un diplôme ne donne pas seulement
des informations sur les compétences acquises, il en donne aussi sur le
comportement : on sait que celui qui a réussi son bac, pour rester sur cet
exemple, a fait des efforts pour l’obtenir, a préféré à un moment de sa vie le
futur (la réussite à l’examen et ce que cela peut apporter) aux satisfactions
immédiates.
L’absence de diplômes peut être assez facilement compensée
par une expérience professionnelle. Encore faut-il acquérir celle-ci, ce qui ne
va pas de soi quand tous les emplois auxquels pourraient prétendre ceux qui
n’ont pas de diplômes sont pris par ceux qui en ont un. Et pris d’autant plus
facilement que tout le système des stages d’étudiants dont sont si friands les
entreprises et les professionnels de l’enseignement supérieur met en
concurrence des candidats sans diplômes à la recherche d’un emploi durable et
des diplômés à la recherche d’un emploi précaire. Difficile de faire
concurrence plus inégale. L’une des meilleures manières de lutter contre le
chômage sans qualification serait de lutter contre cette concurrence inégale.
D’après l’INSEE, 19% des jeunes qui suivent des études supérieures, soit à peu
près 400 000 personnes, cumulent emplois et études, la moitié seulement
occupent un emploi, stage ou contrat en alternance qui a un rapport avec leurs
études. Autant dire qu’il y a là un gisement important qui mériterait d’être
exploité et qui permettrait, s’il l’était de réduire de manière significative
le nombre de jeunes de moins de 25 ans aujourd’hui sans emplois. Il y en avait,
en 2010, 640 000.
Pour cela il faudrait donner aux étudiants qui ont besoin le
moyen de financer leurs études autrement, avec, par exemple, des bourses. Ce
qui limiterait l’échec dans l’enseignement supérieur, car quoi de pire que ces
situations bâtardes où l’on travaille mal parce que l’on fait ses études et
l’on étudie mal parce que l’on travaille.
Une cible : l'échec scolaire
Une autre difficulté tient au développement de la précarité
qui ne favorise pas l’acquisition de compétences professionnelles sur le tas.
Les jeunes qui vont de CDD en CDD ne développent pas de compétences utiles ou,
plutôt, ils se retrouvent à la tête d’une multitude de savoir-faire que tout un
chacun peut acquérir à tout moment. En ce sens, ils sont pleinement
interchangeables et donc plus que d’autres victimes de la flexibilité :
l’employeur qui s’en sépare sait qu’il pourra demain retrouver sur le marché du
travail l’équivalent. A aucun moment il ne se dit : je vais le garder
parce que j’aurais du mal à trouver quelqu’un qui fasse aussi bien.
Cette absence de qualifications renvoie naturellement à
l’échec scolaire puisque ce sont ceux qui sortent du système scolaire le plus
tôt, sans qualification qui ont les taux de chômage les plus élevés, de l’ordre de 30% à 50%.
L’échec scolaire est un phénomène complexe, mais on dispose
d’indications qui donnent des pistes. On sait, par exemple, que la réussite au
baccalauréat est sensiblement plus faible chez les enfants dont le père a connu
une période de chômage de longue durée. L'écart de taux de réussite est de 20
points. Une partie de cet écart est, explique l’INSEE, due au fait que le
chômage concerne surtout des pères peu diplômés, moins à même d'aider leurs
enfants dans leur scolarité. Mais le chômage des parents a aussi un effet qui
lui est propre : il diminue de 12 points la probabilité d'obtention du
baccalauréat. Autrement dit : le chômage des parents favorise celui des
enfants.
Pour conclure
François Hollande a tout au long de cette campagne
électorale mis en avant la jeunesse et il a souligné la gravité du chômage des
jeunes. Il a bien fait, le diagnostic est bon, mais maintenant qu’il est à pied
d’œuvre il va lui falloir trouver des solutions qui aillent au delà des
contrats de génération qu’il a imaginés et de la croissance qu’il espère
relancer en négociant avec l’Allemagne. Les causes de ce chômage massif des
jeunes sont souvent plus profondes, je veux dire plus inscrites dans les plis
de nos institutions. Des pistes existent cependant. Nous en avons vu
trois :
- éviter que les étudiants salariés ne prennent l’emploi des sans diplômes,
- obtenir des entreprises qu’elles offrent à eurs
jeunes salariés des contrats durables qui leur permettent de cumuler des
compétences qui constituent un capital sur le marché du travail,- éviter que les étudiants salariés ne prennent l’emploi des sans diplômes,
- lutter, enfin, contre l’échec scolaire là où il est le plus destructeur : dans les milieux populaires.
Tout cela demande malheureusement des investissements
importants.
2 Comments:
Quelle est votre opinion sur :
- L'inadéquation des jeunes avec les attentes réelles du marché du travail ? Les jeunes (lycéens par exemple) sont-ils bien orientés, c'est-à-dire suffisamment informés des secteurs (par profession, par région) qui offrent des débouchés réels dans les 5 années à venir ? Les organismes d'orientation professionnelle ont-ils une base de données de ce type régulièrement mise à jour ?
- La concurrence "déloyale" de certains pays, je pense à la Chine. Monnaie sous-évaluée, conditions de travail des ouvriers chinois qui permettent de fabriquer des produits à prix cassés que l'on importe en France. Ne faudrait-il pas favoriser l'industrie européenne, sans aller jusqu'à du protectionnisme, mais en essayant de faire armes égales avec les pays exportateurs de biens consommables (taxes à l'importation, critères de qualité plus stricts, chartes humaines) ?
By Anonyme, at 17/08/2012 14:04
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By sameena Khan, at 28/01/2013 14:07
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